La nouvelle série du créateur de Baron noir, Eric Benzekri, est une immersion savamment documentée dans le milieu de la com’ de crise.
March 24, 2024 6:35 pm CET
Une salle plongée dans la pénombre bleutée, un mur d’écrans, des courbes de tendances, des images de plateaux télé et des communicants qui scrutent un emballement médiatique : en dix petites minutes, le décor de La Fièvre, série écrite par Eric Benzekri et réalisée par Ziad Doueiri, est posé.
Après les coulisses du pouvoir racontées dans Baron noir, le showrunner s’attaque au monde de la com’ de crise dans cette production dont le troisième épisode est diffusé lundi sur Canal+, avec Benjamin Biolay et Ana Girardot au casting.
La série a tapé dans le mille chez les professionnels du secteur, qui ont aimé le réalisme du scénario des deux premiers épisodes. Tournés dans les locaux du club de foot de Dijon, on y suit la gestion de crise qui suit la violente altercation filmée entre un joueur et son entraîneur traité de “sale toubab” (blanc en wolof).
L’effet immersif résulte de conversations régulières avec des professionnels, même si Eric Benzekri, qui a connu quelques spin doctors dans son ancienne vie militante au PS, préfère ensuite s’en détacher.
“C’est d’abord un spectacle que je fais, pas un traité de théorie politique ou de communication. On entre dans la série par un milieu professionnel, et ensuite il s’agit d’ordonnancer des éléments du réel pour créer de la surprise, de la stupeur, du soulagement ou de l’inquiétude”, nous raconte-t-il depuis un taxi en pleine promo ultra cadencée.
Quand on lui demande s’il a conscience de créer aussi des références pour des praticiens du secteur, il préfère à nouveau s’en distancier. “Si je me dis que ce que j’écris pourrait servir à quelqu’un, alors je m’autocensurerais et je n’arriverais pas bien à créer”, poursuit-il, valorisant la “grotte” dans laquelle il s’est surtout enfermé ces trois dernières années.
Des communiquants au générique et dans la salle
Pour autant, ceux qui ont contribué sont soigneusement remerciés dans le générique : les patrons de Havas (Stéphane Fouks, Mayada Boulos), la tête de l’agence Majorelle Anne Hommel, l’ex-conseillère com’ de Jérôme Cahuzac passée chez TBWA, Marion Bougeard, mais aussi les équipes de Visibrain ou encore Raphaël Llorca, le codirecteur de l’Observatoire “Marques, imaginaires de consommation et politique” à la Fondation Jean Jaurès.
Consultant pour la série, Raphaël Llorca attend d’ailleurs la mi-avril et la fin de la première saison pour publier un rapport qui “pense l’embrasement” décortiqué dans la série, avec une bonne quinzaine de contributions écrites, dont certaines venant de personnalités politiques, précise-t-il auprès de POLITICO. “Ce sera comme les notes de bas de page que l’artiste n’a pas pu faire.”
Outre l’avant-première parisienne à Canal+, où des communicants étaient venus en nombre dans le public, Eric Benzekri échangera mi-mai avec une quarantaine d’invités conviés par le cabinet Samman.
Les professionnels saluent et savourent leur mise en lumière. Certains, conquis d’avance, ont même commencé à faire la pub de la série en amont de la diffusion.
“Comme toujours avec Eric Benzekri, le train qui file vers la catastrophe peut encore dérailler”, a ainsi teasé sur Linkedin Joshua Adel, le cofondateur de Spin & Strategy.
Pour Arthur Richer, directeur de l’offre Sport & Réputation chez Havas, qui gère par exemple l’image des Girondins de Bordeaux, c’est “l’imbrication très forte des enjeux médiatiques, réputationnels mais aussi financiers et de gouvernance” qui sonne juste.
“Bien sûr qu’il y a de la simplification pour dramatiser et surtout rendre compréhensible, mais il y a aussi de la nuance, ne serait-ce que d’avoir expliqué dès le début le poids de la vidéo sur la présentation à venir des comptes à la Direction nationale du contrôle de gestion qui rythme aussi la vie des clubs de foot.”
Mais n’allez pas commencer à chercher qui a soufflé l’idée de cette scène en particulier : “Vous ne pouvez jamais savoir avec un auteur de fiction ce qui l’inspire et ce qu’il retient, même quand il est dans une conversation amicale avec vous”, sourit l’un des contributeurs.