Promis, juré : cette fois-ci, ce sera trans-pa-rent, et la procédure sera parfaitement respectée.
Les membres du bureau de l’Assemblée nationale — la plus haute autorité collégiale de la Chambre basse — ont rendez-vous mercredi pour examiner le processus de renouvellement du président de La Chaîne parlementaire (LCP), et ainsi donner le coup d’envoi officiel de la course à la succession de Bertrand Delais, sur le départ après deux mandats consécutifs.
Le calendrier qui sera soumis aux vingt-deux membres du bureau est le suivant : l’appel à candidatures sera lancé dès la procédure validée. Les candidats auront jusqu’au 22 mars pour déposer leur dossier, comprenant une déclaration de candidature et une lettre de motivation.
En parallèle, un comité de sélection sera mis en place. Il est composé des quatre membres de la délégation à la communication (la vice-présidente Horizons Naïma Moutchou, Eric Woerth du groupe Renaissance, la Modem Laurence Vichnievsky et le LR Maxime Minot), plus un représentant de chaque groupe parlementaire.
C’est ce comité qui sera chargé d’examiner les dossiers et de sélectionner les candidats à auditionner — “cinq ou six maximum” selon un bon connaisseur de la procédure —, même s’il n’existe formellement aucune limite au nombre de prétendants retenus. Les auditions auront lieu le 6 mai, seront publiques et diffusées sur la chaîne.
Trois finalistes tout au plus seront retenus avant que le bureau ne choisisse l’un d’entre eux, lors de sa réunion du 15 mai. Le ou la nouvelle présidente succèdera officiellement à Bertrand Delais le 10 juin.
Le poste, proposé pour une durée renouvelable de trois ans, offre une rémunération — pardon, une indemnité — confortable située entre 10 000 et 15 000 euros par mois. Il est surtout perçu comme prestigieux : “Quand tu présides, tu es au cœur de l’Assemblée, c’est très valorisant sur une carte de visite”, raconte ainsi Marie-Eve Malouines, présidente de LCP entre 2015 et 2018.
À ce jour, une seule personne a officiellement fait acte de candidature : l’une des journalistes et présentatrices bien connues de la chaîne, Brigitte Boucher.
D’autres noms de candidats potentiels circulent, comme l’a rapporté La Lettre : l’éditorialiste de Franceinfo Jean-François Achilli, l’ancienne membre de l’Arcom Carole Bienaimé Besse, et Bérénice Ravache, directrice déléguée de France Bleu. L’hypothèse d’une candidature de Juliette Rosset-Cailler, directrice de la stratégie et du pilotage de la transformation chez France Télévisions, est aussi évoquée en interne.
Jeux d’influence
L’élection du président de LCP a toujours fait l’objet d’une attention particulière de la part des députés et de la présidence de l’Assemblée nationale, voire du chef de l’Etat.
Un membre du cabinet de François de Rugy, alors titulaire du Perchoir, se souvient encore de la nomination de Bertrand Delais en 2018. “L’Elysée n’est pas resté neutre”, avouait-il pudiquement, avant de reconnaître “des interventions extrêmement diffuses mais permanentes” du Château, à l’époque.
D’après plusieurs acteurs et témoins de cette élection contactés par POLITICO, la procédure avait été “biaisée” par la fuite d’une partie des notes attribuées aux candidats par le comité de sélection. “Une fois les notes sorties, ça devenait plus compliqué pour Rugy de proposer quelqu’un d’autre que le candidat qui était sorti premier”, admet un acteur du dossier avant de rappeler que “normalement, le président de l’Assemblée est libre de la proposition qu’il fait au bureau”.
En 2015, la désignation de Marie-Eve Malouines face au sortant Gérard Leclerc avait aussi été l’objet d’une polémique, certains accusant le président de l’Assemblée de l’époque, Claude Bartolone, d’avoir “voulu faire un coup en nommant une femme”. “Bartolone en a fait un enjeu”, se souvient un témoin.
Pour “apaiser au maximum”, Yaël Braun-Pivet a donc prévu, selon l’un de ses proches, de se tenir le plus possible à l’écart de cette élection. Certes, comme le veut la procédure, la présidente de l’Assemblée recevra bien les trois finalistes désignés à l’issue des auditions mais elle refuse tout contact ou sollicitation en amont — François de Rugy avait fait de même en 2018.
“Il y aura un strict respect du processus, sans fléchage”, insiste un conseiller de Braun-Pivet, expliquant avoir voulu “étanchéifier la présidence” pour “éviter le petit jeu des rumeurs et des intox”. Si un candidat à la candidature se manifeste, il sera renvoyé vers Bertrand Delais, pour communiquer des éléments techniques et pratiques, et Naïma Moutchou, qui gère la délégation.
Le PDG de LCP est aussi le président du conseil d’administration de la chaîne. Hormis sa fonction de représentation, il est donc le garant de la bonne application du COM, le contrat d’objectifs et de moyens, cet outil de pilotage déclinant le plan stratégique et les ambitions éditoriales, techniques et organisationnelles de la chaîne.
Selon les indicateurs mentionnés sur son site internet, LCP, qui partage le canal 13 de la TNT avec sa consœur Public Sénat, compte 70 collaborateurs. La chaîne a une part d’audience moyenne autour de 0,5% et dispose pour 2024 d’un budget global de 17,5 millions d’euros.